Ma chère Fille,
Ta mère ne te remercie
pas !
Elle ne te remercie pas de
montrer, urbi et orbite, qu’aujourd’hui encore, en cette vraie journée mondiale
du sida, n’en déplaise à la pédocratie actupienne et parisienne, qu’il y ait
encore besoin de gens meurtris, en colère, de gens malades, de gens qui
souffrent, de gens morts, de gens bénévoles, de gens qui n’ont que leur temps et
leur cœur à donner, pour lutter et avoir lutté contre cette saloperie qui a tué
tant de frères et nos soeurs, qui a anéanti tant d’histoires d’amour, et qui
fait encore tant de mal, partout sur la planète.
Ta mère ne te remercie pas
non plus parce qu’elle a bien été obligée d’être là, la blonde, pour éclairer,
avec ses faibles (et néanmoins redoutablement glamour) neurones, ton parcours de
postulante.
Ta mère ne te remercie pas
enfin parce qu’avec toi, elle a appris à devenir une vraie Sœur et que du coup,
elle n’est pas prête de raccrocher ses cornettes, tant il y a de choses qui la
mette en colère, des talonnettes à tu sais qui jusqu’à cette grisaille pleine
d’indifférence qui règne chez nos frères et nos sœurs homosexuels, qui cherchent
l’amour, l’apaisement, la joie, la reconnaissance, l’attention, l’écoute… Qui
cherchent à vivre, tout simplement. Toi, en tant que Sœur, tu seras là pour le
leur rappeler, nous comptons sur toi, parce qu’il y a du taf !
Sarah, aujourd’hui, 1er
décembre 2007, tu entres chez les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence et tu vas
donc entâmer ton Noviciat.
Sarah, dans quelques
minutes, tu porteras sur la tête le poids d’une lourde et délicieuse charge ,
sans doute la plus merveilleuse que cette communauté ait su créer ces trente
dernières années : tu seras aimée, écoutée, comblée, prise au sérieux,
accueillie, entendue, tu incarneras à toi seule tout ce que les générations qui
t’ont précédée ont tenté de faire pour que nous toutes et nous tous puissions
hurler à la face du monde que nous étions différentes et que nous souhaitons
par-dessus tout le rester.
Sarah, ce voile que tu vas
maintenant porter, pour quelques mois encore, va t’apprendre ton travail de
spi : il va t’apprendre à juguler tes colères, à ouvrir ta gueule quand c’est
nécessaire, il va t’apprendre à donner espoir et il va t’apprendre que
désormais, tu es le plus fabuleux poil à gratter que la communauté pédé ait
réussi à inventer aujourd’hui.
Sarah, tu as découvert le
travail des SPI en ressourcement. Tu as découvert ce que signifiait le don de
soi, mais aussi ce que voulait dire accepter qu’on reçoive en échange de notre
don. Désormais, tu es de l’autre côté, et je sais que tu n’oublieras jamais tout
le bien que tu es capable de donner.
Sarah, tu seras comme ta
mère, ta grand-mère, ton arrière grand-mère et toutes ces générations de folles
radicales qui t’on précédée, tu seras, je le sais, une grande Sœur…
A condition… (quoi, je
suis marraine, non, il faut bien que je la prévienne…)…
A condition que tu sois
toi-même, toujours, en toutes circonstances, sois chiante si tu as envie d’être
chiante, en colère si tu as les boules, ris, hurle, chante ou tais-toi, mais ne
le fais jamais en fonction des autres, seulement en fonction de toi-même. Ce que
ces gens attendent de toi, c’est simplement toi, et j’ai compris pendant ton
postulat qu’être une Sarah, c’était bien, sois en persuadée et marche avec cela
en tête… ça fera au moins quelque chose !
Sarah, cette grossesse fut
un bonheur. Tu seras une sœur calme, une sœur qui doute, une sœur qui cherche,
et tout cela, tu ne le feras plus seule, désormais.Tu pénètres (il faut bien que
ça arrive de temps en temps, ça te changera du gouinage (joke…)) un monde qui va
t’accueillir et te soutenir, pourvu qu’en retour, tu sois naturelle, fière de
ton histoire, et que tu gardes en mémoire et appliques les vœux que tu vas
maintenant prononcer :
Amour
Joie et Fête
Solidarité
Droit à la différence
Devoir de mémoire
Lutte contre le Sida
Sarah, mes chères Sœurs,
je suis fière, émue et émoustillée de vous demander d’accueillir en votre sein :
Novice Apostasia
Grâcieuse protectrice chic
et pas chère des amours vintage
Gardienne des espoirs à
venir et des regrets oubliés
Protectrice des bonnes,
des brutes et des penchants rares et précieux
Dite la mlf : mauvaise
langue frétillante (ça, tu pourras l’enlever, que veux-tu ta mère est
vulgaire !!)
Amen !
Alléluia |